« La professionnalisation de la politique mène à l’amateurisme de la prise de décision » - Haute-Savoie Libertés
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« La professionnalisation de la politique mène à l’amateurisme de la prise de décision »

Plus de deux ans après la crise des « gilets jaunes » et à l’occasion de la fête du premier mai, fête du travail et des travailleurs, une mise en perspective rapide semble opportune.

Le SMIC est fixé à 1 555 euros bruts et le salaire médian des Français est de 1 789 euros, pour un travail à temps plein.

Dans ces conditions, comment expliquer à ces mêmes travailleurs la rémunération (minimale) de 2 567 euros dont bénéficient les conseillers départementaux haut-savoyards qui cumulent l’indemnité départementale avec celles issues de plusieurs autres mandats ? Rappelons que ce cumul peut ainsi légalement aller jusqu’à 8 434 euros nets mensuels.

Deux grandes explications possibles :

1 / Soit le temps passé sur les dossiers départementaux est si faible qu’il peut aisément s’accommoder d’autres mandats exécutifs lourds (ex. maire ou maire-adjoint, conseiller communautaire ou vice-président d’agglomération) voire d’un emploi public ou privé en sus et dans ce cas la rémunération apparaît clairement disproportionnée ;

2 / Soit la rémunération est bien méritée au regard de l’implication et du temps que nécessitent les sujets départementaux (certains pouvant même très légitimement la juger trop faible) et alors le cumul de mandats exécutifs lourds et rémunérés ne peut pas être compatible avec la fonction.

Dans tous les cas, la situation actuelle et largement répandue n’est pas satisfaisante : elle traduit non seulement une concentration des pouvoirs exécutifs locaux sur quelques individus mais aussi une course à l’indemnité, course qui est bien éloignée de l’intérêt général des habitants.

Une option consisterait naturellement à prévoir l’abandon des indemnités supplémentaires en cas de cumul de mandats qui sont rémunérés comme des temps plein : à défaut, comment expliquer à une personne vivant du SMIC qu’une telle opération, représentant autant d’activités à temps plein, est possible ? Cela est d’autant moins explicable que l’élu est très largement indépendant entre deux élections, à la différence de celui qui doit rendre des comptes à sa hiérarchie. A ce titre, la consultation des relevés de présence des différentes instances du conseil départemental est éloquente.

Cette professionnalisation de la politique, outre qu’elle est insatisfaisante d’un point de vue moral, ne peut mener qu’à un amateurisme de la prise de décision et à une perte d’indépendance des élus, la frontière entre les différents intérêts défendus (commune, établissements publics de coopération intercommunale, département…) devenant particulièrement floue et l’impartialité objective battue en brèche.

Il convient par ailleurs de relever qu’un tel travers n’épargne pas ceux qui se réclament de la gauche, de la justice sociale et de la « valeur travail » : faites ce que je dis mais pas ce que je fais. Cela semble d’autant plus préjudiciable à la politique locale que le Département exerce la compétence générale en matière de prestations légales d’aides sociales, avec notamment le revenu de solidarité active (RSA) : en acceptant des situations de quasi-rente, quel message adressons-nous à ceux dont la collectivité exige un effort d’insertion par l’emploi, donc par le travail ?

Il est donc grand temps de siffler la fin de la récrée : à vos bulletins de vote !

 

Alexandre Allegret-Pilot

Quelques éléments chiffrés pour illustrer le propos :

      • SMIC : 1 555 € bruts mensuels.

      • Salaire médian en France pour un temps plein : 1 789 € bruts mensuels.

      • Indemnité de maire-adjoint d’Annecy : 2 234 € bruts mensuels.

      • Indemnité de conseiller départemental membre de la commission permanente (ie tous les conseillers départementaux en Haute-Savoie) : 2 567 € bruts mensuels
        Source :
        https://www.journaldunet.com/patrimoine/finances-personnelles/1059791-le-salaire-des-politiques-et-des-elus/1059808-conseiller-departemental et https://www.hautesavoie.fr/les-commissions/commission-permanente.

      • Indemnité maximale de fonction d’un vice-président de conseil départemental pour un département comprenant entre 500 000 et 1 000 000 d’habitants : 3 267 € bruts mensuels
        Source : https://indemnite.fr/indemnites-des-elus-departementaux/

      • Indemnité maximale de fonction de président et vice-président de communauté de commune de plus de 200 000 habitants : 4 230 € bruts mensuels et 2 115 € bruts mensuels
        Source : article R. 5216-1 du Code général des collectivités territoriales et note de l’association des maires de France en date du 26 juin 2020.

      • Indemnité maximale de fonction de président et vice-président de communauté d’agglomération, de communautés urbaines et de métropoles de plus de 200 000 habitants : 5 640 € bruts mensuels et 2 820 € bruts mensuels
        Source : article R. 5216-1 du Code général des collectivités territoriales et note de l’association des maires de France en date du 26 juin 2020.
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